...AND JUSTICE FOR ALL
Un
matin de septembre 86, Cliff Burton, le mythique bassiste des Horsemen, trouve
la mort sur une route danoise
Bien que les trois autres ne s'en tirent
qu'avec quelques écorchures, les blessures psychologiques se révèlent
profondes et l'existence même du groupe est remise en cause...
Après avoir retrouvé motivation et bassiste (Mister Jason Newsted
himself), Metallica sort Garage days re-revisited - the $5.98 EP, un collector
de reprises pour se faire la main avant de reprendre le chemin des stades
puis ...And justice for all, pied de nez à la fin du serment d'allégeance
au drapeau Américain. Le bilan de cet opus enfanté dans la douleur
est éloquent : Les textes sont plus corrosifs, engagés et dérangeants.
Les architectures rivalisent de complexité et les guitares acoustiques
y sont bousculées par une distorsion pachydermique ! Aucune concession...
Blackened, première plage de la bête est énorme, monstrueusement
et impitoyablement heavy. Chaque riff y est martelé avec frénésie,
comme s'il se devait d'être le prophète de l'apocalypse musicale
que représentent les titres suivants. Harvester of Sorrow, The Frayed
End of Sanity, Eye of the Beholder, et ...And Justice For All, confirment
cette impression, frôlant parfois la démonstration technique
! Le doute n'est désormais plus permis... Metallica vient de conforter
d'irréversible manière sa suprématie.
Le niveau de composition et d'interprétation est à ce point
élevé qu'on peut se demander si un humain sera un jour en mesure
de s'en approcher de nouveau.
A titre d'exemple, Harvester of Sorrow alterne la noirceur des 6 cordes non
saturées à l'explosion rageuse d'amplis sur-boostés.
Dans la même lignée,
And Justice for All empile des couches
successives d'un calme olympien en y insérant adroitement un riff de
"destruction massive". Certaines chansons ont nécessité
un travail titanesque pour leur enregistrement (treize pistes de guitare pour
One) et le rendu rend palpable l'ampleur quasi-pharaonique du chantier. Si
l'écoute de certains titres procure une sensation de capharnaüm
(The Frayed Ends of Sanity), on se rend bien vite compte que la qualité
reste à toute épreuve.
Peut-on parler de l'album sans faire allusion à One ? Assurément
"Non". Cette composition sombre et compliquée demeure tour
à tour paisible et furieuse, tout comme peut l'être la guerre
dont Hetfield dénonce ici la futilité. Tout aussi lugubre et
oppressant, le clip a lui même été maintes fois récompensé.
Il débute par un sinistre bombardement puis trouve sa continuité
dans l'ambiance glauque d'une chambre d'hôpital où gît
un soldat blessé au combat. Atrocement mutilé, il a perdu l'usage
de ses membres, de la parole de la vue et de l'ouïe, n'étant plus
rattaché au monde que par les tuyaux qui le nourrissent. Devenu prisonnier
de son propre corps, il hurle de là où nul ne peut l'entendre
et implore Dieu d'abréger son supplice en lui accordant cette mort
libératrice qui tarde à venir... Toutes les horreurs de la guerre
condensées en une chanson où les mitrailleuses (remplacées
par la légendaire double-pédale de Lars Ulrich) tiennent le
haut du pavé.
D'un point de vue plus général, la production fait la part belle
aux guitares en cantonnant Jason à un rôle de figuration, un
peu comme si les Horsemen avaient voulu signifier que le bassiste originel
n'était plus. On ne peut d'ailleurs que déplorer la dictature
Hetfield/Ulrich qui sévissait alors outrageusement et l'absence d'un
Bob Rock qui, s'il avait été rencontré plus tôt,
aurait sans doute apporté cette touche de perfection dont il allait
saupoudrer le Black Album quelques années plus tard. Lars reconnaît
lui même aujourd'hui la médiocrité relative de la production
tout en déplorant les petits bruits parasites audibles ça et
là.
Moins Speed mais encore plus heavy, Justice atteste du savoir faire "Metalliquesque"
en matière de chansons à tiroirs (dont ils se sont fait une
spécialité). Pour résumer la situation au cas où
vous n'auriez jamais entendu cette uvre majeure de la jeune histoire
du métal, cet album regorge de riffs survitaminés, de rythmiques
implacables et d'envolées guitaristiques flirtant avec la virtuosité
et transpirant la perfection. Master of Puppets ne pouvait prétendre
à plus digne héritier. A écouter d'urgence !!!
Plus d'infos sur l'album??? cliquez ici.
Greg,
Sickdestroyer
Juin 2003